Les pilotes maritimes sont une cheville essentielle de l’activité portuaire, et ce dans le monde entier…
Henry CAUBRIERE, le Président de la Fédération Française des Pilotes Maritimes, vient présenter dans les Chroniques Littorales ce métier méconnu du grand public.
Le statut actuel du pilote maritime s’est édifié sur une histoire maritime très ancienne en se construisant autour du développement des échanges de marchandises dans le bassin méditerranéen.
Le terme « pilote » est apparu très tôt, dès le VIème siècle av. J.-C. dans le livre D’Ezekiel où le terme de « pilote guide » du navire est utilisé à plusieurs reprises.
Des traces d’existence de l’ancêtre du pilote maritime existent aussi dans les écrits d’Homère et de Virgile : en parlant de « Thestor le pilote ». Homère a écrit dans le premier livre de l’Iliade : « celui qui a guidé les navires de Achaens à Llion ». Assurément, l’incontestable ancêtre du pilote maritime se trouve dans «Le périple de la mer Érythrée» daté de la première moitié du premier siècle après J-C.
En effet, ce récit maritime grec décrivant la navigation et les opportunités commerciales depuis les ports romano-égyptiens, le long de la côte de la mer Érythrée (actuelle mer Rouge), ainsi que le long de l’Afrique orientale et de l’Inde, pourrait effectivement être l’ancêtre des instructions nautiques actuelles, qui sont nos actuels recueils d’informations spécialisés sur les ports et leurs approches.
Bien que les auteurs de ce périple soient inconnus, on ne peut douter un seul instant que ces marins connaissaient parfaitement les courants et les dangers des sites qu’ils fréquentaient, en d’autres termes, ils sont aux origines du pilote maritime contemporain.
Ensuite, les arabes furent sans aucun doute les plus actifs dans le domaine du pilotage. En 1275, le premier voyage de Marco Polo en Orient a été réalisé grâce à l’aide des pilotes Arabes. Deux siècles plus tard, Vasco De Gama au Portugal employa des pilotes Arabes lors de son voyage du cap de Bonne-Espérance à Calicut (Inde): « Lorsque Vasco de Gama eut atteint Malindi sur la côte orientale d’Afrique en 1498, il put s’y procurer un pilote, qui le conduisit directement à Calicut ». Le fait est brièvement rapporté dans le journal de bord rédigé par un des marins de l’expédition, et certains récits donnent même le nom du pilote, y ajoutant la nécessité de recourir à leur expertise.
Plus tard, dans les années 1600, il est fréquent de lire dans les manuels d’histoire que la défaite de l’invincible Armada Espagnole aurait été causée par l’impossibilité d’embarquer les pilotes au large de Dunkerque.
Pendant des siècles, l’individu qui a dirigé un navire dans l’océan, l’amenant d’un port à un autre, a porté la double casquette du capitaine et de pilote du navire. A la suite de l’insuffisante familiarité des capitaines avec certaines régions qu’ils devaient fréquenter pour le commerce, avec l’ouverture des marchés et des transports internationaux, il a été reconnu que le pilotage exigeait la connaissance locale de pilotes rattachés à une zone maritime connue d’eux.
Des distinctions claires sont ensuite perçues entre les pilotes des voyages, devenus aujourd’hui pilotes hauturiers, et le pilote portuaire, connus comme le « loci manens », l’homme du lieu.
Selon A.Marcantetti, les premières traces de présence de pilotes maritimes en Angleterre remontent au XVème siècle ainsi qu’en Écosse: « C’est autour de guilde de marin, à vocation semi-religieuse dans un but de protection mutuelle que l’embryon du pilotage se mit en place dans le Royaume ».
Dans le nord de l’Europe, les Hollandais sont considérés comme les premiers meneurs dans le développement du pilotage. En 1633, la Compagnie des Indes Néerlandaises déploya ses propres pilotes à Balasore, à environ 60 miles de l’entrée de la rivière Hugli. A cette époque, le pilote était, soit un membre de l’équipage, soit déjà un employé d’une station de pilotage à terre. Leurs tâches ne se limitaient pas uniquement à piloter des navires, mais souvent, ils étaient éditeurs de cartes marines et compilateurs de données de navigation.
En Europe, depuis le début du XVII siècle, le pilotage est maintenant réglementé dans tous les pays par des lois nationales, communément appelées Pilotage Act, et par les règlements sur l’organisation des ports, fixant ainsi les statuts professionnels des pilotes dans chaque pays.
En France, les fondements de la réglementation française du pilotage furent adoptés en 1554 sous Henri III, en prévoyant le contrôle de cette activité sous la tutelle de l’Amirauté. Plus tard, l’Ordonnance de Colbert de 1681 a défini les grands principes du droit du pilote et du capitaine de navire. Ces grands principes sont aujourd’hui repris par les textes de lois régissant le pilotage français. Ce n’est finalement qu’un peu plus tard, le 12 décembre 1806, par la parution d’un décret-loi – inspiré de l’ordonnance de Colbert– pris sous le règne de Napoléon 1er, que vont apparaître les premières stations de pilotage.
De nos jours, cette profession parfois peu connue du grand public se trouve pourtant au coeur des échanges commerciaux maritimes. Afin de préserver l’environnement et de garantir la sécurité de la navigation et la sauvegarde de la vie humaines en mer, le pilotage maritime est réglementé dans tous les pays d’Europe ayant une façade maritime ».
Source : Le Pilotage maritime dans l’Union européenne. « Statuts, organisations et responsabilités civiles des pilotes en 2010 » Mémoire de Mr Pierre CASTETZ Pilote Maritime. Mémoire de Master II Droit de la mer et des activités portuaires